Brèves de poésie - Anna Maria Carulina Celli

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Au bal ils scintillent
Les garçons pour les filles
J'ai laissé mon innocence à la surface du miroir
Revenue de la fête
Elle avait disparu
Est-ce encore mon visage
Qui dans la moire piquetée
Aujourd'hui me regarde?
Quel est cet essaim de mouches brunes
Posé sur la psyché
Dont la mouvante myriade de dunes
Jour après jour, brouille mes traits?
Au bal ils scintillent
Les garçons pour les filles
Face à face voilées
Entre les rides je me maquille
Entre les flétrissures et les secrets
La porte est verrouillée derrière moi
Je ne veux pas que l'on me voie
Tant que mon masque n'est pas prêt
Il en faut de la poudre d'hirondelle
Sur les coquillages frêles
De mes paupières menteuses
Pour dissimuler ma rancœur rageuse
Pas tant que poussières de rhinocéros
Sur votre semence féroce
Au bal ils scintillent
Les garçons pour les filles
Je ne suis pas de celles
Qui battent gracieusement des ailes
Je ne suis pas rentrée le coeur vide
La nuit, les couloirs, le vent dans les arbres
Les rafales, tous les chats sont gris
Entre mes mains, je tiens ma tête
Sur mes pas, les vautours de nuit
Ma tête penche
Poussée par le bruit, mon corps se renverse
Je suis une peau de chien
Jetée sur les épaules d'un loup
Je me suis mis le mors aux dents
Sur mon miroir, des traces de sang
Au bal ils scintillent
Les garçons et les filles
Je hurle
Je suis une torche qui brûle
Depuis des ères
Astre mort
Miroir désert
* * * * * * * * * * * *
Une fleur sans sa tige
Je me sens toute visage
Presque oiseau
Sous les pétales de ma peau
Peine et rémiges
Le coeur entier enclos
Toute pensées derrière l'ourlet
Roulé et déroulé
Quand m'offre un baiser, la brise
Viens me chercher
Lentement souffle sur mes ailes
Le tremblement des airs
Pris dans le battement de mes artères
Exhale-toi
Traverse mes couleurs
Désir mouillant que tes doigts
Cueille la rosée au creux des pleurs
Deux lacs d'ambre vert
Baignent les flancs ouverts
De mes jumelles îles
Puis se referment sous les cils
La rêverie pour ciel
La mémoire aux pluies vient rider les miroirs
L'ombre des versants
Trace des puits noirs sur le blanc
Des narines frémissant au jasmin
Lèvres, langue, dents
Me sont gants sur la main
Qui du monde écrivent la naissance
Fermée dans douleur
Béante dans la jouissance
Étoile écartelée du calice
Viens me chercher
Dans les profondeurs qui plissent
Au sein de ma corolle
Tète le bouton rose fleuri sur l'aréole
Souffle-moi un songe de printemps
De la terre éventrée
Au soc de ton haleine
Dérobe en ta paume les pigments
Teinte de ton pollen
Le jailli de mon gynécée
Âme, mémoire, désir qui s'achève
Dans les séismes du plaisir
Délivrance et renaissance des rêves
Je me sens entière enclose en mon visage
Écriture en os et en chair sans âge

Des réminiscences à venir



Née au Maroc, Anna-Maria Celli est fille de pieds-noirs d'origine espagnole du côté maternel, corse par son père. Ses études de philosophie la mènent à un mémoire de D.E.A., « Évolution des représentations de la mort chez les Bantous ». Elle enseigne aujourd'hui en région parisienne. Elle a publié quatre recueils de poèmes, dont un qui mêle le français et la langue corse, ainsi que trois romans.


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